ce soir je te disais ce poème d’Aragon
que je contemplais tout en l’écrivant
que je prononçais langoureusement
je vidais tout exprès pour lui des dédales de veines en moi
j’étais blanche d’être irriguée par la poésie de cet autre
il a passé du temps et tu t’es endormi
les vers derniers contre ta joue
blottis en nuage amoureux
depuis circulent en moi
des images non résolues
plus vastes que mon corps et qui devraient le déborder
mais restent à lui battre au dedans
comme autant fouets et de fièvres
je suis à genoux d’elles
otage de mes propres couleurs
et la proie de ma propre voix
et plus défigurée qu’un monde ou qu’un délire ou qu’un tourment
je cherche à résoudre un poème
aussitôt mon coeur se renverse
des machines aimantes me cognent au dedans
cliquettent et s’écarquillent comme un grand coquillage
ont des bras, font des sauts, chantent et s’étripent en choeur
il n’y a de vrai que marcher
pour répondre à ces poussées-là
et de fort que l’espace
arpenté qui se plie
aux ruades du coeur