Ça va aller diminuant, ça va décolorer, ça finira même par passer
On oubliera tous ces trottoirs qui soudain se tordent et ondulent
Fondent en jus d’épais bitume, entravent la marche et l’allant
On ne sera plus là debout chez soi comme un martien
On n’aura plus jamais vingt ans et peur des chiens
On aura perdu tous nos sacs, papiers d’identité, photos
Et l’on ira errants par le monde, étrangers, pourtant déjà mieux à nos places
On se souviendra des halls rugissants, des paysages sous-marins, des vagues de foule cinglant la moquette et les rayonnages,
Avec sourire, avec pitié
On dira « les vies décharnées »
On dira simplement qu’il fallait réformer la Terre
Quelque part un ciel tournera
La nuit cernée de rêves
Quelques cymbales discrètes
Au bout de l’impasse, un lampion
Il chuchotera la lumière comme on marmonne, en songe, des phrases que le jour n’entend plus
Et nous serons déjà bien loin de ce qui sourd, majeur, terrible, à travers l’égoïsme ambiant.