A cette heure je laisse le soir éblouissant enjamber la chambre où je lis
à droite la porte est entrouverte, tout le couloir illuminé doré, doré qu’on s’y noierait
la lumière évite soigneusement ma chambre
elle contourne la pièce en suivant le dessin d’équerre du couloir
quand ça se brise à gauche, son flux casse en coude sec
tout ce courant frôle par l’extérieur la paroi de la chambre, et au bout, dans le mur, plonge par la fenêtre
on le retrouve ensuite en bout de course, écrasé sur l’immeuble à l’est
puis le déclin du soir
ce déclin je m’en rends d’abord compte par l’extinction de la façade
ou par progressivement cette température visuelle qui s’essouffle dans le couloir
ça n’a plus le courage d’être le bain doré
il y a comme un ternissement
un épuisement plénier
pourtant, je n’en viens que plus tard à nommer l’assombrissement, longtemps après avoir ressenti la première gêne à lire, alors même que les pages sont déjà inclinées vers la fenêtre et que je suis penchée dessus
l’éclairage électrique s’est allumé à mon insu
fraîcheur bruissante, bleue sombre
j’émerge de l’histoire avec cette lenteur d’enfant qu’on arrache au sommeil au plus fort de son rêve
et c’est l’ébahissement
la pénombre erre dans le quartier, sa robe noire et vide sans structure ni forme, les cheveux en désordre, des volants et feuillages partout
elle flotte comme un fantôme perdu
je suis un frisson stupéfait