Au coin de la rue, devant l’enclos-gélinotte, il y a le Bon Coin, un café sans clients aux stores constamment clos. Quelques vieux jeunes s’y retrouvent l’été venu, on les entend
brailler sur le carrefour désert. Quand on était petites, avec Océane, les soirs où Mère était absente, on allait se poster au balcon pour chanter ou parler, longtemps, jusqu’à ce spectacle – toujours le même- du client qui sortait, qui récupérait son vélo et qui ne tenait pas dessus. Après quelques essais (quelques chutes et nous on riait), il repartait à pied. La rue était très longue et droite : une flèche vénéneuse de Metz dans le ventre de Montigny. Et l’homme la remontait en s’appuyant sur le guidon, il charriait son ombre avec peine, il était seul, il s’éloignait, il devenait un point, il devenait un souvenir et quand on se tournait à nouveau vers le café d’angle, les lumières en étaient éteintes.
(extrait d’un texte non publié)