lorsque tu reviendras
tu auras eu les lèvres
rouges et les ongles
à tous les vernis
l’âge aura grainé ta peau d’enfant, finies les joues de pomme et les sourires sans autres plis que tes fossettes
tu auras les cheveux changés : le vent d’ailleurs te les aura léchés, lavés, lissés, froissés, fraîchis ; ils ne sentiront plus tes six ans à l’Etang-Salé, ils auront oublié les tresses et ton nœud rose et ta fierté de ce nœud rose, qui les rendait les tiens sans échange possible
tu respireras dans un autre rythme, plus lent, ça ne fait aucun doute
la petite souris que tu es aura perdu ses dents, aura longuement couvé ton sourire de plus tard, d’adulte
tu auras cédé tes vieilles robes comme autant de pétales roses, de tous les roses imaginables,
tu inventais des roses que tu promenais sur les plages de sable noir et qui tournoyaient, les volants au-dessus des vagues – souviens-toi l’innocence avec laquelle en entrant dans l’eau tu les tuais, ces robes, tes grands yeux bleus ouverts ensuite sur les réprimandes méritées, puis les jours suivants, d’autres robes abîmées de sel et d’autres réprimandes toujours reçues avec l’air de les boire
tu auras donné tes vieilles danses mais à qui ? au vent du large, à qui les veut ! personne ? tu auras perdu l’oeil brillant qui se plantait au cœur de tout. Toi qui soulevais les étoffes – rideaux, robes, draps et voiles – et l’on te retrouvait toujours blottie dans les choses douces – toi la petite tendresse, et qui n’aimait pas lire mais qui le disait tendrement avant d’ajouter qu’on lirait, que pour me faire plaisir, avant d’ajouter les caresses et les airs malicieux, dis, toi, où te seras-tu mise lorsque tu reviendras ? Qui seras-tu alors ?
Ça me rend nostalgique xD
Perdue comme jamais à la recherche de ce « qui », j’aime l’écho que produisent ces pétales d’enfance :)
Tu t’appelles silencieuse, et tes lecteurs le sont parfois. Ton texte est magnifique.
Alesia ! Est-ce qu’il y a une adresse où te joindre ? Ca me ferait plaisir qu’on s’écrive à nouveau…