On dit que si même moi j’entends les choses, si même moi, c’est qu’elle sont présentes, enfin, ces choses, ces bruits c’est qu’ils existent. Ainsi des sanglots de la vieille voisine accroupie derrière la poubelle, de l’hirondelle fauchée par un bâton à la sortie du nid, des plaintes rauques, miaulées, dont le sens ne laisse pas de doute ; ainsi des matous qui s’étripent autour de leur princesse, de la ferraille volée traînée dans le couloir des caves, des claquettes de l’enfant danseuse (celle en collants roses avec son serre-tête surmonté d’une fleur – celle qui lançait les mirabelles par la fenêtre, tu sais – l’enfant qui se vendait, elle avait huit ans et elle se vendait). Tout cela, sans ordre, que j’entends, tout cela qui existe et d’autant plus fort que même à mes volets fermés la nuit je n’en dors plus tant ça gratte, fredonne, tape, tant parfois ça traverse et ça défait la vitre et ça s’invite et ça se glisse et ça grossit jusqu’à tout envahir.
Ce froissement du monde est poignant.