je te regarde ne pas dormir (ne plus jamais dormir) – je te regarde être un regard qui s’assombrit au monde – je vois la rigidité du diamant (au moins du diamant) gagner tes muscles un à un – je te regarde avec l’idée d’une toi si vivante que ta pâleur ne te va plus – que tant est brutale cette révélation, je n’ai pas la délicatesse de le dire doucement – mes mots, tu les entends, te heurtent jusqu’au lieu de ta retraite – là où tu pars – et tu as, en réponse, ce réflexe du frisson, vide de sens – je te regarde me fixer pour la première fois sans expression sans étonnement sans amour, avec la fatigue de me voir et de porter tes yeux – il y a ton poing grippé au drap – ton poing final – comment peux-tu oser mourir ? – hein, dis, comment ?
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Cela va faire huit mois sans manifestation de ma tristesse de toi. La dernière fois, un professeur parlait. J’avais les yeux tournés vers la fenêtre. Cela n’avait plus d’importance, ce qu’il racontait à la salle, tant que tu étais morte.
Dehors, un soleil insolent. Comment peut-on briller ainsi à la place de pleurer ? Il n’avait pas le sens commun. C’était un astre enfant qui ne se rend pas compte, c’est le soleil d’hiver qui sifflotait à ton enterrement, d’où m’arrivait la petite joie de vivre malvenue à cette heure-là. Un soleil sans cravate – tu t’en serais fichée, toi, tant qu’il est bel homme. Tu aurais réglé la question en portant un chapeau. J’ai la solution plus vulgaire. Mes nuits se sont passées à cracher jusqu’au ciel. J’espérais le noyer. Penses-tu…