Mes rêves nocturnes sont une vengeance en réponse à la plate absurdité du reste. J’y survole des déserts, j’y découvre des océans, j’y longe à pied des séries de champs blonds qui n’en finissent plus, et au bout des chemins il y a souvent un ascenseur, et après l’ascenseur, des cages d’escaliers labyrinthiques avec vue sur un fleuve ou un laboratoire. La nuit des rêves est sans lueurs. J’y marche à tâtons dans une noirceur d’encre ; la nuit des rêves, c’est l’addition de celle des rues désertes à celle de la chambre et à celle des paupières closes. On voudrait prendre des photos – les images se dérobent, les couleurs passent, les objets débordent du cadre. On roule sous les pieds des chevaux. La salle d’audience est toujours au bout du couloir. Je crie. Il vient des bus de tous côtés. Il y a des renards verts que l’on appelle « la voie lactée » avec un sérieux désarmant. Les sapins dansent en bord de mer. On embarque en famille dans un Sopwith Camel. Et j’habite un appartement que j’ai quitté depuis six ans mais qui n’est jamais tout à fait comme le peint mon souvenir ; l’agencement des pièces est le même qu’en réalité, pourtant le sentiment de l’appartement varie : tantôt il semble immense, les poutres et parquets brûlant d’une lumière impossible ; tantôt c’est un appartement que l’on a jeté à la rue et qui fait à la fois office de chambre et de parking. Il y a dans les rêves beaucoup d’animaux enfermés, de plafonds qui s’effondrent, de petites réflexions anodines prononcées d’un ton solennel par une voix d’enfant ; parfois, un raisonnement abstrait plaqué sur un paysage ou une situation en guise de descriptif. On annonce un chemin par sa racine carrée. On se ressert une tasse d’été. La vie des rêves est sans fausseté.
Quelle chance de pouvoir, au réveil,, se souvenir de bribes de ses rêves ! on aimerait t’accompagner dans ces voyages nocturnes Les Grecs disaient je crois que les rêves étaient dons des dieux…