Les personnages du roman regardaient vers le haut, jamais vers le bas. Longtemps, je marchais, recourbé, yeux fixés sur l’asphalte, comme pour repousser ces assauts de ma mémoire. Je ne voulais plus regarder le ciel. Ni ressembler aux personnages du roman. Je ne savais plus dans quelle ville j’étais ; ni le jour ni l’heure, ne me souvenais. Les fleurs du jardin étaient toutes gelées. Le goût et la saveur, enfuies. Il n’y avait plus personne dans les rues. La ville semblait inanimée. Je croyais être dans ce rêve récurrent, celui de la chute sans fin, où sans avoir peur de cette chute, je comptais, à l’infini. Je chutais à la vitesse de la lumière ou presque. Je percevais tout. Pourtant, le goût et la saveur en moins. Il y avait des chemins qui bifurquaient sans cesse ; d’autres plein de nids d’araignées que j’évitais, à tort, car je ne pouvais voir les araignées. Aucun oiseau ne venait plus rayer ce ciel triste. Ce ciel que tu consolais par ta seule présence. Le goéland blanc n’était plus d’aucune utilité. J’ai eu la tentation de rencontrer la baleine blanche et disparaître avec elle, accompagné de son fol capitaine. Il n’y avait vraiment plus aucun bruit. L’horreur du silence. La nuit en plein jour. Mes pas sur le goudron craquelé déchiraient le voile. Et par ses fêlures élargies, voyais des touffes d’herbe rouges jaillissantes de l’asphalte finissant. Je rêvais New York une fraction de seconde. Je m’étais absenté un instant et il n’y avait plus personne. J’ai triché. J’ai imité les personnages du roman. J’ai relevé la tête. Regardé le ciel… étincelant…
Silence.
*
Après plusieurs mois de quasi-silence, mon blog retrouve enfin le chemin des Vases Communicants.
Ce mois-ci, j’accueille la poésie de Franck Queyraud tandis qu’il publie chez lui mon texte « Premier banc à droite ».
Notre contrainte :
– chacun écrit à partir d’une photo de l’autre ;
– notre texte peut commencer par une phrase imposée.
Mille mercis, Franck, pour ce beau texte, et de m’avoir ouvert tout grand la porte de ton site « Flânerie Quotidienne » !
Liens pour aller plus loin :
/ Galerie Instagram de Franck Queyraud
/ Liste des vases de juin – par Brigitte Célérier
La beauté s’exprime aussi dans la concision.