J’écris parce que nous nous sommes connus par l’écriture
Parce qu’ainsi, tu as su m’entendre un jour que j’étais inaudible
Tu m’as trouvée comme un papier volant
J’écris pour l’arme d’alphabet collée à la tempe des lois naturelles et des conformités sociales – des tabous et des interdits, de ce que l’on viole à s’aimer
J’écris dans la neige un soir de janvier, les yeux secs, les mains noires de froid
J’écris pour ne plus claquer les portes
Pour fournir à ma colère une cage spacieuse où faire les cent pas au lieu d’aller tuer la ville
J’écris parce qu’en écriture, chaque oiseau que j’éventrerai me reviendra intact
Mais je n’écris pas comme on se décrète, sous le coup d’un caprice, démiurge
Ni pour tester ma force ou m’en inventer une
J’écris l’insuffisance
Quand on bondit vers la branche hors d’atteinte
Et que la même soif du même fruit passe dans la même bouche, sans la quitter, cent ans
J’écris ta couleur bleue sauvage
Comment l’eau fuit entre nos doigts et comment ce n’était pas l’eau
En devenant le texte que tu lis je te traverse un peu
Il faudrait figer cet instant pour être tout à fait heureuse
Etre la lecture
Perpétuellement
Ressassée
Que tu me
Digères
Que tu
M’assimiles
Vivre en toi
A écrire, je m’allonge, faite lac, à tes côtés
C’est à flanc de moi-même que se tient ton chalet
Les kilomètres se compriment sous des assauts d’imaginaire
Et ceux qui nous séparent encore
Nous nous blottissons contre
En écrivant, j’enfonce la poitrine du silence
Je m’élance contre le rempart des âges dressé entre nous
J’écris que tes yeux
sont les grands absents
par ici
eux qui n’existent plus qu’en tant que les symboles d’un mythe religieux
Ecrire est la prière de qui ne croit pas
Ecrire est tomber à genoux tout en restant campé sur ses deux pieds
Ecrire est la suite du pleurer
Ecrire va plus loin que les larmes
Ecrire exprime le fond du drame
Ecrire est hors de portée parce qu’écrire rameute l’impossible
Ecrire donne corps au paradoxe
Si j’écris, je te perds et te retrouve tout à la fois
Quand je t’écris, je t’aime et te tue
Je t’écris en signant mais c’est une autre qui te parle
Ecrire que j’étouffe m’aide à respirer
J’écris dans le noir, j’écris dans le sang, j’écris dans le rien, j’écris pour tes lèvres
Des caresses interdites se tiennent entre les lignes
Toutes te sont destinées
Toutes sont secrètes, mais vois comme je les laisse vaquer au grand jour, sans danger
J’attrape, lorsque j’écris, à pleines poignées des moisissures de moi
Que j’envoie par-dessus nos têtes
Et sans que je les change
Elles se mettent à luire
Sais-tu pourquoi ?
Parce que tu me regardes
La moindre de mes noirceurs est par toi soulignée, mise en réseau avec des joies
Tu es mon adresse de toujours
Te parler, c’est t’écrire
Ecrire sans tricherie, c’est t’écrire
Ecrire, c’est me livrer à toi
Je te parle comme j’écris, tu es le seul
Ce que tu me dis, même avec la bouche, je le lis
Tes mots du quotidien, tes sourires, je les lis
Tes baisers, je les lis
Lorsque tu as froid, je le lis
Ton clin d’œil d’hier, je l’ai lu
Nous sommes une correspondance
J’ai eu des orgasmes de toi qui me soulevaient sans voix, et c’était pourtant toujours, quoique sans mots, t’écrire
Tu parles comme chantent les coquillages
Comme eux, ta voix vient d’un lointain
Comme la leur, elle m’est intime
J’écris pour épouser ce silence-là
Ni tout à fait silencieux, ni forcément sonore
A l’opposé du bavardage
J’écris pour que l’on se marie
J’écris parce que c’est ma langue
Ce silence que tu parles
T’épouser
C’est ma langue
J’écris pour toi, au fond, qui n’as jamais lâché ma main
C’est beau, et m’a presque donné envie de pleurer… Une belle « déclaration » !
Je te dois une lettre, je le sais…
un signe.