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c’était l’hiver, je me souviens de l’atmosphère dépeuplée d’alors
le quartier de Magny pris dans un glaçon gris
comme endormi dans un frigo entre la crème et les compotes
la mélasse de feuilles à mes pieds
un seul oiseau – et qui criait – ce seul oiseau qu’on ne pouvait pas voir
c’était l’hiver, je me souviens que l’on m’avait vanté les capacités de travail de A. – qui n’avait pas de « clopes », A., contrairement à X ou Y, juste de quoi écrire
il tirait ce de-quoi-écrire
d’un de-quoi-le-porter
et partout
et c’était sa drogue
partout il écrivait
je me souviens, c’était l’hiver,
que j’attendais le bus
et de ce cri d’oiseau d’on ne sait où surgi
et
dans ce vide-là
pendant ce qui aurait pu être l’ennui
de m’être demandé pourquoi
certains
peuvent écrire dans les cafés
et pourquoi d’autres
quand il s’agit d’aller puiser en soi la force qui les rapprocherait d’une formulation, ont déjà perdu, par renoncement, parce qu’ils sont dans un café
pourquoi certains
le peuvent
même quand ils,
même là où,
même si,
et pourquoi d’autres, avec les va-et-vient autour, dans le jeu des lumières, en dehors de la chambre, sont à ce point exclus de la langue qu’ils, – pourquoi ?
pourquoi-je-ne-sais-pas-écrire-dans-les-cafés ?
je me souviens de la vigueur avec laquelle cette question exacte roulait dans l’hiver
de cet élan qui l’a poussée jusqu’à mes pieds
qu’elle s’y est échouée dans la mélasse de feuilles
sans aucun bruit
et de l’oiseau – mais où ? – l’oiseau toujours s’époumonant
Si je m’attache a mes pensées,
A ta ligne éclatée
Je me dis
Je te dis
Tu t’es perdue? Tu t’es trompée. Jamais vraiment, et tu le sais, d’avoir été perdue, ni d’y avoir pensé.
Tu t’es trompée et tu le sais, c’est bien pour ça qu’on n’est pas là. On t’as trompé ne marche pas. Car c’est bien toi.
Tu sais écrire dans un café