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tu avais acheté un livre de blagues que je te lisais à voix haute dans la salle à manger d’une autre époque
j’ai rêvé que c’était impossible, et pour cette seule raison, à peine réel ; que je n’y croyais pas une seconde : tu devais être quelque part
nous revenions nettoyer la cuisine qui n’a toujours connu que toi
ton appartement restait à t’attendre
tu vois, je prépare le tapis pour le jour où tu reviendras – et la machine à pain – et l’on essuie la toile cirée
puis sans que rien l’ait laissé croire, en levant mes yeux vers le mur, je découvre l’absence du tableau qui fut toujours là
quand l’as-tu ôté ?
d’évidence, ce tableau était un point fixe sur Terre
mais peut-être l’as-tu jeté depuis cinq ans sans que mes yeux ne le veuillent voir – et ce n’est qu’aujourd’hui que, « bonjour ! », la réalité vient cogner
en ira-t-il pareil de ta disparition ? combien d’années avant que ne se produise la fêlure de chagrin normale ?
comment peut-on laisser mourir un si charmant éclat de rire ? laisser mourir la fête et la compréhension ?
j’ai rêvé que c’était hier, mais tu sais rien n’est sûr, c’est comme pour le tableau : il s’en était allé, dans notre dos, bien avant son départ