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Le café noir, trop noir de Séraphine est le seul que boit Silencieuse.

Tous les trois mois, ce rituel dans le petit salon de la bibliothèque départementale : les biscuits posés sur la table basse, Séraphine qui s’excuse d’avoir fait du goudron à la place du café, et le défilé des visages et des bises qu’on se fait.

Il y a un rapport curieux entre Silencieuse et les gens d’ici : une distance de précaution, sorte de camaraderie sur la réserve, et dans le même temps, c’est inné, une compréhension mutuelle. Quelquefois, il suffit de dire « vous savez » pour qu’ils sachent déjà, et leurs soupirs, songe Silencieuse, pourraient être les miens. On se demande de part et d’autre des nouvelles, on lève les yeux au ciel, il arrive qu’on s’exalte ; il n’est toujours question que de livres et d’aimer lire.

Mais ces moments-là sont trop courts. Bien vite, on se relève – Séraphine emporte les tasses à moitié vides sur un plateau – le petit groupe et Silencieuse se séparent à nouveau dans la  bibliothèque. Il y a quelque chose de l’adieu qui hante l’atmosphère à cet instant précis. D’une visite à l’autre, on ne sait pas toujours qui l’on retrouvera. Certaines bibliothèques sont un jeu des chaises musicales : les collègues passent et disparaissent comme des étoiles filantes.

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