Quand j’en ai l’énergie, je chipe à la sauvage des morceaux du jour, comme les lambeaux d’une tapisserie qu’on arracherait. Un temps pour écrire, arraché, et ce sont deux phrases, arrachées – arrachées à l’inconsistance à la fatigue à la grisaille du corps qui pèse dans ses filets, arrachées à de la monotonie à ses mains croisées sur les genoux à l’agenda – ô l’agenda… , deux phrases qu’on ne dirait pas être ces révolutions-là, anodines en apparence, deux trous pourtant forés dans le mur pour voir au derrière, deux forages par jour, comme la bouffée d’air qu’on attrape entre deux vagues, deux petites phrases, deux yeux gourmands, deux ébauches de cœur libre, comme on frappe le plancher de la semelle dans ce silence de mort, comme on lève la main vers des dieux sans nom, comme on patauge dans la lumière sans rien voir de ce qu’elle éclaire, avec seulement la certitude de cette lumière à cet endroit, qui doit survivre, et réceptionner la lumière dans ces deux phrases, alors, deux bolées d’aurore sombre pour garder en mémoire ce que fut l’esprit de ce jour.