Ce matin, d’abord vierge comme si rien ne s’était passé. Un champ de neige entier devant soi est à réécrire. Ensuite, on se souvient peu à peu des pistes d’hier et des visages qui nous accompagnaient, puis de la main, la voix, de la fissure enfin. Il ne faut pas crier quand on les redécouvre. Quand on se souvient que tu es mortel et que, fatalement, parce que tu l’es, moi aussi, ne surtout pas crier. Ne pas non plus laisser son estomac se tordre comme une vieille éponge. Le jour qui vient doit être traversé. On a le droit, si la douleur est vive, de la décharger en morsures adressées à toute l’existence – de mordre dans une pomme avec horreur, dégoût, agressivité pour cette pomme devenue l’avatar de la réalité. Mais on ne fuira plus le jour. On ne tournera plus le dos à l’ennemi qui s’en vient. Il faut lui passer au travers, sans céder à la tentation de croire qu’on va le démolir ou le révolutionner depuis l’intérieur. Ce jour est éternel, résiste à nos assauts, ce jour est en cristal face à la nuit qui rampe. Minuit l’éclatera bientôt contre un mur noir. Ce sera notre seule, notre triste consolation.
Être mortel, c’est un privilège, celui du retour au moment présent, le seul qui compte et, bien vécu, aussi riche que toute une éternité.
Aller jusqu’au bout du présent et ne pas se soucier du lendemain. Et puis, tant qu’on n’a pas franchi le seuil, on peut revenir, si près qu’on s’en soit approché.
Très beau texte dans ta belle langue à toi.