27 mai

Le fond de l’air a quelque chose d’un rythme qui galope. Cet été fait l’effet d’un paysage ouvert, avec ses proportions de liberté, de solitude, de sérénité et d’angoisse. Même la mort a le visage gai. On en parlait encore l’autre jour, c’était dans l’odeur des grillades au pied de la cathédrale, je décrivais joyeusement à mon ami combien la mort, ces temps-ci, a bonne mine. « Elle a l’énergie pour être violente. » Il demandait : pourquoi la mort devrait-elle être violente ? Je répondais : c’est tout ce qui console les lâches.

Plus tard, j’ai regardé dans le soleil du soir ces gens tièdes et heureux, un verre de vin à la main, leurs lunettes reflétant la place du marché aux pavés luisants. Et je me suis sentie lointaine, montée dans la même barque qu’eux mais prête à passer dessus bord, je me suis sentie seule parmi tous devant un grand pays superbe. Ils étaient là, il n’y avait pourtant personne. Je ne les ai pas moins aimés, en cet instant, qu’une famille qu’on perd.

Mon ami parlait de marcher. Il est de ceux qui ne se trouvent qu’en se perdant dans la montagne, à condition que la montagne soit aride et inhospitalière. Plus que tout autre paysage, la montagne est un serrement de cœur. A l’inverse de lui, je l’aime verte ou glacée. Ni lui, ni moi n’avons choisi quelle montagne il nous fallait. Un paysage de cœur, c’est lui qui vous appelle. Il décide que ce sera vous. Il envoie quelque chose qui peut se lire comme de la joie et de la douleur mélangée. Ces montagnes sont nos portraits, nos levées de terre et de sang, nos vallées d’angoisse ombragées, l’à-pic délirant de nos perspectives, l’écho de notre solitude. Elles sont les pics aigus qui crient pour nous. Elles offrent des crêtes en fil de rasoir où danser, où se taire jusqu’au bourdonnement, où perdre le sens du commun. L’été, au-dessus d’elles, tend deux bras de ciel effrayants. On se croirait marcher dans un rêve quand on marche en soi, loin de soi.

Une réflexion sur “27 mai

  1. « ces montagnes sont nos portraits »
    Très beaux textes, qui me rejoint et me touche.
    Le randonneur va chercher dans les hauteurs
    cet écho qui déjà se faufile
    dans les méandres intimes
    de ses roches

    Peut-être
    en cours de route
    retrouvera-t-il la mélodie
    l’accord qui le dépasse

    ;-)

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