28.5.17

La maison regorge d’astuces pour que Silencieuse s’y enferme. Quand on rentre de l’incendie (ce mois de mai qui brûle, dehors, les toits, les peaux, les routes), cette maison nous accueille avec ses caresses de mains fraîches dans une pénombre rose et verte.

Il y a quelque chose, dans son silence, d’une pause.

Dehors, c’est midi blanc. Les voitures au bord de la route reflètent de petits soleils crus qui nous vrillent les yeux. C’est midi lourd d’une rumeur dont on ne sait d’où elle provient. Personne alentour, rien qui ne bouge visiblement.

Mais le silence de la maison est autrement plus pur.

Dans le silence de la maison, on entend quelque chose comme « ne le dites jamais ». Lorsqu’on y est seul, la peau s’ouvre et l’on sort de soi. On occupe instantanément tout le volume disponible, comme si les murs faisaient office de nouvel épiderme.

C’est du moins ce que croit Silencieuse, qui nous rappelle chaque jour à quel point dedans la repose et dehors l’épuise. « Dedans, c’est la maison qui fait tout le travail de me contenir ; je deviens une forme, j’accède à l’unité. » Selon elle, cet état vole en éclats sitôt qu’elle passe la porte pour sortir. Le long de la rue, lorsqu’elle veut exprimer comment elle part en miettes, elle dit « je nous efforçons de rester l’une seule » en versant à ses pieds une poignée de poussière. « Qui sont-je ? », demande-t-elle encore, et de son regard ahuri chacun se garde bien de rire.

C’est de cette manière que la maison la tient. Comme dépendance et comme architecture psychique. Silencieuse n’a de certitude que les poutres maîtresses entrecroisées dans la partie supérieure de son crâne. Rassemble-moi, ordonne-t-elle à la maison, sur quoi les murs vacillent, se fendent, l’enserrent.

Jalousement, jour après jour, la maison garde cet enfant.

Et tendrement les volets battent, et dans l’été qui cogne, Silencieuse trouve un réconfort.

Vous avez des choses à dire ?