La vie continue, disait-elle. Et c’était vrai. La vie continuait. Seulement, la vie s’était réduite à la recherche d’une place de parking au centre commercial, à la dimension d’une paire de rideaux, aux bouteilles d’huile d’olive dont l’économie aurait pu permettre de payer la facture d’électricité. On prenait des mesures, on demandait l’heure, on remplissait des agendas, on définissait des budgets, on se laissait peser par les docteurs, on recherchait des références, on comptait les enfants, on augmentait les doses, on demandait l’heure à nouveau. La vie avait la gueule de ces enseignes qui clignotent. Le rideau arraché, elle vous montrait ses dents de chiffres. Elle avait un goût de néon grillé, une raideur de grillon mort. Les corps apparus çà et là se déchiraient aussi facilement qu’un napperon de papier crépon. « Tu me passes au travers », lançait Silencieuse à une ombre. Et invariablement l’ombre lui répondait : je sais, mais la vie continue.