4.12.2018

« Qu’attendre de l’Etat aujourd’hui ? ». C’est la phrase que nous jette – vite, mal – le professeur au tableau. Bien au chaud dans notre université de province, nous avons deux heures pour assembler avec logique des bribes choisies du droit qu’on nous enseigne. Il s’agit d’un jeu de puzzle. Aussitôt pourtant, l’atmosphère devient électrique. Comme nous travaillons en groupes, je constate ceci : les Très-éduqués ont souvent un vocabulaire trop fourni pour leur expérience, ce qui les conduit à employer des termes bien placés, mais « placés » justement, comme on dit d’un cheval de manège qu’il est « en place » ; termes joués, vides et livides, incomblés par ceux qui les risquent, éléments d’une langue dite de bois. Ceux-là parlent comme leurs pères, comme leurs grands-pères et les amis de leurs grands-pères qui passent aux micros des médias. Par le seul usage de la parole, ils marchent sur les autres, qui abandonnent sans trop combattre des points de vue plus concrets, souvent plus bruts et cependant mieux ancrés dans la réalité d’une oppression sociale qui échappe aux premiers. La discussion est inégale. Elle oppose ceux qui ont compris que ce sujet se veut uniquement déclencheur d’un discours contenu dans certaines formes, et les autres, au débord de ces formes-là, répondant au sujet comme ils répondraient à quelqu’un qui les interrogerait vraiment, et sur leur vie par-dessus le marché. Ce malentendu patent au sein de notre groupe, divise la société elle-même en deux familles d’univers que tout oppose. Il y a totale mécompréhension entre ceux qui parlent de Sim City et ceux qui sont contraints d’y vivre.

Une réflexion sur “4.12.2018

  1. L’air de rien, là, tu touches à une question fondamentale ! A développer absolument ! Derrière le constat banal qu’il y a des gens qui savent parler et d’autres qui ne le savent pas, cet autre constat beaucoup plus profond que la maîtrise du langage chez les « dominants » aboutit forcément, au nom même de la domination, au désarmement du langage, à son fonctionnement en vase clos, à la langue de bois, à l’enfumage général procédant de l’auto-enfumage. Ce qui compte, ce n’est pas de savoir parler, mais de renouer avec ce que parler veut dire. Bien envoyé ! On attend la suite.

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