Vous êtes loin comme une île. Cela dure des années, seize ans, loin comme les Mascareignes. Pour vous rejoindre il faut affronter l’espace et la durée. Vous êtes le mariage dans l’église blanche et bleue de Notre-Dame des Neiges. Vous êtes les rythmes du séga lorsqu’ils font voler vos longues robes, le pique-nique au pied des cryptomérias, les bonbons piments, les jurons créoles, la canne à sucre suçotée, la route du littoral plein vent et les chansons du père dans la voiture. Bien d’autres choses encore. Mais loin, loin comme une île.
Tout à coup, vous devenez proches. Incroyablement proches. Comme la cathédrale Saint-Etienne verte et or dans ses jupes de nuit, proches comme l’orage qui tonne, proches comme ce petit restaurant qui fait l’angle rue du Faisan. Vous êtes notre insomnie commune et ce que l’on a à se raconter. Vous me parlez du père, de la mère, et à travers le père, la mère, vous me parlez de vous. Plus proches encore, vous êtes un petit déjeuner au balcon du quatrième, celles qui me quittent en une étreinte avant de reprendre la route pour des villes étrangères.
Vous laissez après vous de légères inflexions créoles, l’équivalent d’une eau de brume dans la dimension du langage ou d’un saut de chat dans un ballet. Quand vous reviendrez nous serons des autres, nous aurons rêvé cet instant.

Le bouquet s’était renversé – 7 août 2019
La saveur complexe et singulière d’un instant : mieux que les images, les mots la préservent. En attendant d’autres instants que l’avenir nous promet.