Puis il y a eu ce coucher de soleil et j’ai su qu’il y avait des lions derrière.
C’était tout à l’heure, sur la route ; devant les petites loupiotes rouges de la voiture qui me précédait, d’autres petites loupiotes brillaient – les voitures fascinées ne clignaient pas des yeux – elles rampaient en guirlande – elles avalaient la route en grondant, en tremblant, elles mangeaient la distance, cela aurait pu durer jusqu’à demain mais une colline s’est lentement décalée et derrière, il y avait cette couronne de feu. En quelques minutes, la campagne est devenue rose, impossible, surnaturelle. On roulait sur une route qui n’avait plus de réalité, dans des voitures qui n’avaient plus de réalité. Il fallait porter ses mains au visage pour vérifier qu’il existait encore et la plupart du temps, les mains disparaissaient en route. On ne savait plus si l’on voyait ce qu’on voyait, si un pied ne s’était pas pris dans un jeu vidéo, une roue qui aurait emporté le décor ; alors je me suis arrêtée au bord d’un champ derrière des voitures comme la mienne ; on sortait de nos voitures, on faisait quelques pas sur Mars, on se regardait mais qu’y avait-il ?
Il y a des lions derrière, c’est un lion qui a tout construit.
Les autres étaient d’accord. Ils l’avaient tous dit avant moi.
Les lions en effet, trahis par la déchirure des nuages. Mais qu’en est-il des monstres qui se tapissent derrière les murs, qui se tiennent à l’affût dans les tiroirs, qui se tapissent au fond des puits ou qui se dissolvent dans le flux incertain de nos pensées ?