On me vole la possibilité de regarder par la fenêtre, quelle que soit la façon, on me la vole par une angoisse dont la société dépose un morceau dans ma gorge chaque jour mais qui n’est pas la mienne, l’angoisse de mal faire, de ne pas pouvoir payer, de ne pas être à l’heure, de ne pas être dans le ton ; et si je suis dans le ton, les jours où je maîtrise par miracle un peu de cette angoisse, la possibilité de regarder par la fenêtre reste volée, on me la vole par sursaturation du temps, on me la vole et les saisons passent à côté de mon agitation sans que je ne sache rien de leur lumière. Comment était-ce quand ça durait ? quand une saison nous arrivait, s’imprimait sur nos yeux, quand on la respirait quand on marchait dedans comment c’était ? quand on avait le temps de contempler la grâce des chats sur les immeubles et d’avoir envie de la peindre ? comment c’était quand il neigeait et qu’on y était ? comment c’est d’être avec le temps au lieu de se laisser écraser tout au fond comme dans un vieux train ? la semaine roule trop vite pour le paysage, trop vite pour les odeurs, trop vite pour comprendre qu’il y a eu des fleurs, elle file entre les bras d’un rail tendu devant nous comme un piège, et comment l’éviter ? Où trouver des saisons ? Comment les retrouver sans se jeter par la fenêtre ?