« je ne suis pas une chienne qu’on nourrit »

Pour sûr, les deux au parapluie ont entendu un mot vulgaire et qu’on parlait d’argent, qu’on disait « comment faire, que faire ?», que ça se triturait les mains. Lequel des deux a appuyé sur l’autre au point qu’il fléchisse son jugement ? Lui, elle ? L’un est à l’origine du regard complice qui suivit. Ils lui firent ensemble ce signe qui disait « passez devant ». La demoiselle – son manteau est couleur dragon – a rougi. C’est alors, et seulement, après encore un piétinement sur place et un sourire gêné, qu’elle a accepté de doubler le couple au parapluie. Et quel parapluie ! Un brave parapluie. Et couleur marais, avec ça ! – qui brodait de préciosité le relief des gouttes recueillies. Un objet amical. Elle lui aurait accordé une véritable portion de regard, une dizaine de secondes, que ç’aurait été le coup de cœur, mais là… A peine s’il eut sa chance. Il a traversé comme une ombre le coin d’un oeil affolé.
Quelle justice pour quelle terre ?
Aucune.

Le temps d’un marmonnement – on n’a pas bien saisi les mots –, puis l’enfant dragon se réveille. Elle se dirige vers le guichet, convoque d’un même appel toutes les armures qu’elle peut, et dans l’empilement de peaux, de sourires, de duretés qui suit, se recompose tout un visage ; enfin, adresse au monde une missive muette que le monde, pas sot, comprend bien.
On lui tend un formulaire bleu.

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